1.31.2008

Encore une histoire de... NAUFRAGE !














Récit du naufrage du « Essex »
Sur la côte du Labrador

Le 3 Novembre, 1874

Ceci est le journal du matelot de deuxième classe
Gilbert William Sinclair.

À Mr Gilbert Jones. Sr
Caterpillar Point
Wolf Bay. Labrador.

La barque « Essex » a quitté Liverpool le 11 août 1874, sous le commandement du Capitaine William Murrow et un équipage de 18 personnes. Il est arrivé à Québec, le 21 septembre après un voyage de 40 jours. Nous avons été retenus à Québec jusqu’au 27 [sic] octobre quand nous sommes partis pour Aberdeen sous le contrôle d’un pilote.

Le soir même de notre départ, nous avons rencontré un brouillard épais et nous avons dû jeter l’ancre. Nous étions alors dans la traverse. Vers 10 heure p.m., la mer baissant, nous avons touché le fond. Nous avons aussitôt actionné les treuils et après deux heures de dur labeur, et avec l’aide d’un remorqueur à vapeur, nous avons pu nous dégager et reprendre notre route. Vers le lever du jour le matin suivant, le pilote qui nous conduisait a hélé le capitaine du remorqueur. Celui-ci ayant mal interprété les paroles du pilote stoppa immédiatement ses moteurs et notre élan nous poussa en collision avec le remorqueur. Le choc nous fit perdre notre beaupré, notre grand étai et une partie de notre gréement. Nous avons dû à nouveau jeter l’ancre et la plus grande partie de la journée fut prise à réparer nos dégâts tant bien que mal. À la tombée de la nuit, nous partîmes de nouveau, remorqués jusqu’au Bic où le pilote et le remorqueur furent laissés.

Il ne se passa rien à signaler pendant les quatre ou cinq jours suivants. Le soir du 2 [sic] octobre, nous avons perdu de vue la lumière du Sud - Ouest d’Anticosti. Le temps était brumeux avec des bourrasques de neige. Notre course était pour le Détroit de Belle-Isle et le soir du 3 octobre comme nous allions dans une direction Est ou Est Demi Sud, poussé par un bon vent, nous avons frappé un récif immergé, au large du Cap Whittle. À ce moment-là, nous étions dans la mâture à ferler la grand-voile avant que le guet de 8 heures ne s’achève. Nous sommes descendus immédiatement et avons commencé à préparer les chaloupes car le bateau frappait violemment contre le récif et il gîtait dangereusement sur le flanc. À 10 heures, nous avons sorti une chaloupe avec deux hommes à bord. Peu après, l’arrière [de l’Essex] se brisa et nous perdîmes notre gouvernail. Nous nous sommes immédiatement préparés à jeter l’ancre et l’avons lâché. Cependant, le fond rocheux ne permettait pas de prise à l’ancre et nous avons commencé à dériver jusqu’à 7 brasses d’eau et nous avons ramené l’ancre. Dès que nous avons frappé le récif, nous avons actionné les pompes sans arrêt. Mais, l’eau s’engouffrait tellement vite que bientôt, le bateau était complètement inondé. Notre gouvernail étant parti, nous n’avions plus aucun contrôle sur le bateau.

Vers 8 heures le lendemain matin, nous avons dû l’abandonner en apportant avec nous le linge que nous pouvions et quelques provisions. Nous avons ramé vers la terre, une distance de quelque cinq milles. Nous avons touché terre vers 2hre p. m. le 4 octobre. À l’aide d’une vieille voile, nous avons monté une tente et fait un feu.

Le lendemain, nous sommes retournés au bateau avec une des chaloupes et un équipage de huit hommes. Nous avons ramené un baril de farine, du pain et d’autres vêtements. Pendant ce temps, une autre de nos chaloupes avait exploré les environs dans l’espoir de trouver des habitations, mais sans succès. Le jour suivant, un autre équipage a été envoyé à la recherche d’habitants et après un bon bout de temps, nous avons fini par trouver un vieux poste de pêche au saumon. Nous sommes retournés vers les autres, mais nous fumes consternés de voir que le bateau avait été complètement écrasé contre les rochers. Ses mâts étaient cassés sur le pont et la mer l’inondait complètement. Le temps était très mauvais et il était pratiquement impossible de longer la côte soit en montant soit en descendant. Il fut donc décidé de nous rendre à l’établissement de pêche que nous avions trouvé. Donc, le matin du 7 octobre, nous sommes tous partis pour le poste de pêche au saumon. Dès notre arrivée, nous sommes retournés au bateau avec deux chaloupes pour essayer de récupérer le plus de provisions et d’équipement possible. Nous avons réussi à sortir du bateau huit barils de farine, six ou sept barils de porc et de bœuf ainsi que six ou sept quintaux de biscuit. Les neuf ou dix jours suivants furent employés à récupérer tout ce que nous pouvions de l’épave.

Le 9, nous avons vu les premiers signes d’humains de ces parages. Un habitant de la Côte, dénommé Mr Gilbert Jones, est venu au poste de pêche avec son jeune fils Fred, en bateau. Il était le propriétaire de l’établissement et il consentit à ce que nous occupions sa propriété tout l’hiver si nous pouvions le rendre habitable. Il nous offrit même de nous approvisionner si nous venions à manquer de provisions.

La nuit du 20, pendant une forte tempête de neige, le bateau se brisa en deux morceaux et le 21, une partie du cargo se mit à flotter en vue du rivage. Pendant les trois ou quatre jours suivants, nous avons récupéré quelque 400 [paquets] et cinquante boites. Par après, tout notre temps fut consacré à trouver et couper du bois de chauffage en vue de l’hiver qui arrive sur la Côte du Labrador avec beaucoup de vigueur. Nous allions aussi à la chasse et avons réussi à tuer du canard sauvage et des perdrix. Monsieur Jones nous avait aimablement fourni de la poudre et du plomb. À l’arrivée de l’hiver, nous étions installés assez confortablement.

Le 2 décembre, nous avons aperçu une goélette au large des îles de Wahpitigun [Oapitagan]. Ce fut un moment de grande joie et d’excitation. Nos chaloupes étaient malheureusement toutes montées et renversées. Quelques hommes sont montés sur le dessus de la colline et ont hissé un drapeau. Pendant ce temps, d’autres s’occupaient de lancer une de nos chaloupes que dix hommes ont finalement conduite en direction de la goélette. Il ventait très fort et la mer était très agitée et nous ne pouvions gagner sur la goélette, malgré la voile que nous avions hissée et l’effort de nos rameurs. Nous étions mouillés jusqu’aux os et le temps était affreusement froid. Finalement la goélette prit une bordée vers la terre et nous avons dû arrêter notre poursuite. Pendant ce temps, ceux qui étaient restés à terre avaient allumé de grands feux afin d’attirer l’attention de ce bateau, mais tout fut en vain.

Nous avons atteint le rivage à 6 heures p. m. transis de froid et tout engourdis. La nuit était mauvaise et il neigeait. Nous espérions que la goélette s’arrêterait et qu’au matin elle vienne à notre secours. Mais nous ne l’avons jamais revue ni entendu parler d’elle.

Vers Noël, les baies étaient toutes gelées. Le soir de Noël quatre de nos hommes sont partis pour l’habitation de Mr Jones. Ils sont revenus deux jours plus tard avec Mr Jones qui les ramenait dans sa «sleigh» (cométique) et ses chiens. Ils avaient été très cordialement reçus par la famille Jones. Depuis ce temps, il y avait toujours un ou deux de nos hommes chez les Jones et nous étions toujours accueillis à bras ouverts. Vers le Jour de l’An, le Capitaine et son épouse se sont rendus habiter en permanence chez eux. Ils y sont restés jusqu’à la fin de l’hiver.

En janvier, quand la mer fut complètement gelée, le Capitaine et Mr Jones se sont rendus à Natashquan, dans le but de trouver une goélette qui pourrait nous sortir de notre refuge au printemps. Il y avait un homme à Kégashka du nom de Foreman, qui avait une goélette, mais elle ne pourrait être sortie des glaces qu’à la fin du mois d’avril. Il fut donc décidé que nous irions tous à Natashquan en cométique. Natashquan est située à 90 milles environ à l’ouest de Wolf Bay, où nous avions fait naufrage. Il y a quelque 400 habitants, la plupart français. Puisque nos provisions diminuent, le Capitaine croit que c’est, pour nous, la meilleure chose à faire.

1875
Le 6 mars. Le charpentier du bateau est parti pour Kégashka aujourd’hui avec ses outils et ses vêtements. Mr Jones l’y amène. Demain, un autre cométique partira avec les affaires du Capitaine. Le 9, le lieutenant et moi-même sommes partis en descendant avec un français qui avait passé la nuit ici. Le 11, nous sommes revenus, et avons constaté que Mr Jones était revenu de Kégashka, et était reparti ce matin avec un chargement de nos affaires. Le 13, Mr Forman est descendu et a apporté un chargement de nos affaires. Le steward est parti avec lui. Le 15, forte chute de neige cette nuit et le vent souffle encore très fort de ouest-sud-ouest. La glace sur la mer est brisée et l’on voit l’eau de notre refuge. La tempête est trop forte pour que nous partions aujourd’hui.

Le 16 mars. Ce matin il fait beau. Mr Jones est venu et il repart pour Kégashka avec une charge de nos affaires. Cinq hommes partent avec lui. Un homme est venu de l’est et nous a apporté de l’huile. Le Capitaine a préparé un papier pour Mr Jones pour le remercier pour tout ce qu’il a fait pour nous tout au long de l’hiver. Nous avons tous signé ce papier de bon cœur il va sans dire.. Par la même occasion, nous disons un grand merci à Mr et Mme Jones et leur famille, pour toutes leurs bonnes attentions qu’ils nous ont prodiguées tout au long de l’hiver en nous fournissant tout ce dont nous avions besoin à même leurs propres réserves.

Je termine donc mon journal, avec mes plus vifs remerciements à Mr Jones.

Je suis,
Sincèrement vôtre,
Gilbert William Sinclair,
Matelot 2ième classe.

16 mars, 1875

À suivre...

B. Landry

6.03.2007

À propos... de naufrages!





1859-1860



Une chapelle à Natashquan...
grâce à la Providence!

Le 20 ma 1859, on propose un terrain d'une grandeur de 2 arpents par 2 arpents (1 arpent = 191,8 pieds) à l'embouchure de la petite rivière face à la mer pour la construction d'une chapelle (50' X 30'), d'un presbytère (30' X 30'), d'un jardin et d'une place publique.

En juin, les travaux sur la chapelle (40' X 28') débutent ...pour ensuite se poursuivre en juillet et les mois suivants (jusqu'au début de l'hiver). Le bois nécessaire à cette construction fut coupé à l'intérieur de la grande rivière Natashquan par toutes les familles.
Les travaux reprennent dès le printemps suivant pour se poursuivre durant l'été et l'automne de la même année. Durant cette période, une circonstance providentielle leur permet cependant d'exécuter leur projet d'une façon relativement facile. À des dates rapprochées, deux navires firent naufrage aux alentours de Natashquan; le premier à mi-chemin entre Pointe Natashquan et l’embouchure de la rivière, et le deuxième à son embouchure.
La barque FLORA, un trois mâts de 126 pieds de longueur et jaugeant 443 tonnes, fut construite à Québec par Narcisse Rosa. Elle devait avoir fière allure lorsqu’elle fut lancée le 25 juillet 1860. Cependant, sa carrière fut de courte durée car après un peu plus d’un mois de navigation en mer, alors qu’elle était commandée par le capitaine Flaherty, alla s’échouer sur les bancs de Natashquan. Elle était tellement ensablée qu’on ne put la retirer de sa position dangereuse. Elle fut donc condamnée et vendue pour le compte des assureurs au prix de 50 louis (1 Louis = 4 dollars). Mais les acheteurs y perdirent de l’argent. Les seuls à en profiter vraiment furent sans doute les pionniers de Natashquan, qui durent en retirer plus d’une pièce de bois pour construire leurs maisons et même leur église.

En milieu de septembre de la même année, commencement d'une tempête furieuse de plusieurs jours consécutifs (certainement jusqu’au début d’octobre) qui se fit sentir d'une manière terrible dans le golfe du Saint Laurent. Mais c'est dans la nuit du 6 au 7 octobre que la tempête éclata dans sa plus grande force et qui causa de grands désastres sur les côtes du golfe. Le journal officiel « The Quebec Mercury » annonce en date du 11 septembre 1860 les faits suivants : «Un télégramme reçu ce matin par Mr Henry Fry, du capitaine Grange du vapeur BOHEMIAN énonce que le navire américain MOSES TAYLOR, French, parti le 1er de ce mois de Liverpool, est échoué dans la baie de Natashquan et qu’il a besoin d’assistance immédiate. » Un peu plus loin, The Quebec Mercury énonce d’autres éléments suivants: « Le capitaine Laverick rapporte que le capitaine du MOSES TAYLOR échoué à Natashquan a vendu son bateau et son cargo. » En effet, un navire chargé de bois qui partit de Liverpool, le MOSES TAYLOR, voilier américain de 6,000 tonnes, fait naufrage sur un banc de sable, à une distance d'environ un demi-mille de l'embouchure de la grande rivière Natashquan. Une semaine plus tard, une grosse tempête emporte le voilier plus près de l'embouchure de la rivière, il y avait une pleine cargaison de beaux pins. Une autre source d’information nous raconte également que la cargaison fut effectivement vendue à la compagnie de pêche « De La Perrelle », de Jersey, pour la modique somme de cinq cents dollars.

Et la chapelle s'éleva à l'endroit même qu'avait souhaité, en 1858, l'abbé J. B. A. Ferland. Également, c'est à l'automne que l'on construit enfin le presbytère (22' X 23'). On note finalement que ces constructions se sont échelonnées sur une période de deux années consécutives.

À suivre...


B. Landry

3.06.2007

À Natashquan un enterrement... quatre morts...




Tout en feuilletant les pages de ce premier journal de la Côte qu'est L'Écho du Labrador Canadien le missionnaire résident Arthur Divet nous permet la réalisation d’une autre petite chronique rempli d'aventure. Cette fois-ci, ce sera avec nos voisins, les Montagnais de Natashquan; ceux-ci revenant d'un long et périlleux voyage de chasse d'une durée de plusieurs mois à l'intérieur de leur territoire ancestral.

B.Landry

À Natashquan
un enterrement… quatre morts...

... La chasse va bientôt finir et les indiens sont sur le point de « sortir du bois » nous disaient nos paroissiens, aux approches de Pâques. L'on pense bien que j'avais hâte de voir quelques spécimens des descendants de vieille famille montagnaise. Ma curiosité fut un peu déçue mais satisfaite quand même. Dès le lundi de Pâques, trois indiens accompagnés d'un interprète, viennent au presbytère nous avertir que plusieurs des leurs étaient morts dans le bois et qu'ils devaient les amener pour leur donner sépulture dans le cimetière de la mission. C'étaient trois hommes dans la force de l'âge. Leurs cheveux longs et huileux, leur teint jaunâtre tirant sur le noir, leurs pommettes saillantes, tout dans leur personne donnait des indices certains de leur origine véritable et de leur genre de vie primitif. Cependant ni le vêtement, ni les manières un peu timides mais très polies, ne le cédaient en rien à la distinction des blancs.

Il fut convenu qu'ils reviendraient avec leurs morts dès les premiers jours de la semaine suivante. Leurs familles étaient cabanées à vingt-cinq ou trente milles de là, à la quatrième chute de la rivière.
Mais l'homme propose et Dieu dispose... Les premiers jours qui suivirent, il fit un temps affreux; dégel, pluie, brouillard; par conséquent impossible de trainer les sleighs (traineaux) sur la neige (car elle est) trop molle. Le vendredi de la « Quasimodo », un froid très intense reprit et rendit praticables les sentiers pour les traînes. Mais en même temps, un vent des plus vifs et une poudrerie aveuglante ne cessèrent de la journée.

Le Père Pihan était absent depuis plusieurs jours, en mission à Aguanis (Aguanish) et Piaster Baie (Baie-Johan-Beetz). Vers quatre heures du soir, un blanc vint m'avertir de l'arrivée des indiens. « Ils sont tous là » dit-il, « contre le mur de l'église ». Je sors et j'aperçois en effet une bande de quinze individus exténués par la longueur et les difficultés de la route.

Sur la première sleigh était attaché le cercueil du vieux Jérome, âgé de quatre-vingt ans. Il était mort depuis trois semaines. Sur la deuxième, se trouvait son canot d'écorce dans lequel on avait placé son fusil, ces deux fidèles compagnons de sa vie qui l'accompagnaient ainsi jusqu'au bord de sa tombe. C'est la coutume. Sur une autre sleigh était amarré le cercueil d'une femme de trente ans. C'était son mari lui-même, accompagné de son jeune enfant qui l'avait trainée jusqu'ici. Enfin, il y avait encore le cercueil d'un petit enfant de cinq ans et celui d'un bébé de deux mois.

Il m'était impossible d'enterrer ces cadavres en ce moment, les fosses n'ayant pas été creusées dans le cimetière. Je fis donc porter les corps dans le caveau de l'église et pendant que les indiens allèrent prendre chez leurs traiteurs, une nourriture et un repos bien mérité, quatre blancs se mirent en devoir de creuser une fosse commune pour recevoir tous ces corps le lendemain matin.

Comme il fut triste ce lendemain! Pendant les cérémonies, je ne pouvais m'empêcher de penser aux fatigues et aux privations de toutes sortes qu'endurent ces pauvres gens pendant l'effrayante saison d'hiver, les femmes surtout. Celle qui reposait là dans son cercueil taillé à la hache et au couteau, avait été malade pendant de longues semaines. Durant tout ce temps-là, son mari l'avait trainée dans ses courses à travers le bois, peut-être à 80 ou 100 lieues (1 lieue égale 4.445 kilomètres ou 2.7 milles anglais) d'ici, toujours attachée sur sa sleigh... Enfin un jour, elle était morte d'épuisement et de souffrances en baisant son grand crucifix de cuivre et en murmurant quelques prières. Son petit enfant âgé de sept ans, elle l'avait quitté bien à regret. Il est si gentil avec ses grands cheveux bouclés, son visage luisant et ses yeux plein de candeur et d'innocence!... Vieux Jérome, lui, pouvait mourir; il avait quatre-vingt ans et les deux autres bébés étaient devenus des petits anges...

Maintenant, tous les quatre dorment le grand sommeil dans un coin du petit cimetière et sitôt leur tombe recouverte, tous leurs parents et amis ont repris le chemin de la montagne.

Arthur Divet,
Missionnaire eudiste de Natashquan et de ses dessertes


Références

L'Écho du Labrador Canadien, 01 juin 1904 par le Père Arthur Divet, Eudiste et missionnaire de Natashquan. Archives des Pères Eudistes, Société Historique de la Côte Nord.

Systèmes de poids et mesures et conversion en système international d'unités (SI) par Normand Perron, Institut québécois de recherche sur la culture, mars 1992

12.29.2006

Les premietrs extraits de l'Écho...



« L’Écho du Labrador »


Dès leurs arrivées au Canada, les missionnaires qui sont désignés pour le Labrador embarquèrent sur le petit vapeur King Edward, le 27 octobre 1903, et se dirigèrent vers la Côte-Nord du Saint-Laurent, qui s'étend de Tadoussac à Blanc‑Sablon. De ce groupe, on retrouve parmi-eux les Pères Arthur Divet (1903-1904) et Joseph Pihan (1903-1905) qui sont nommés pour le poste de Natashquan et les dessertes suivantes :: Île à Michon, Aguanish et Baie-Johan-Beetz.

Quelques extraits de ce premier journal…
Tout d'abord, un « éditorial » de la rédaction et par la suite un texte du Père Arthur Divet, missionnaire de Natashquan.


Novembre 1903
Rivière Pentecôte
Pour publication à « l'Écho du Labrador »...

À nos chers abonnés

L'Écho est heureux de vous offrir dès aujourd'hui le « personnel » complet de la Province de l'Amérique du Nord. C'est un humble hommage de reconnaissance qu'il a tenu à vous présenter en retour de votre générosité et de votre bienveillance à son égard.

S'il en est, parmi les confrères qui vous entourent, qui désireraient avoir aussi ce petit personnel, ayez l'obligeance de leur dire de s'adresser à la Rivière Pentecôte où nous nous ferons un plaisir de le leur expédier moyennant .03 cents l'exemplaire; .25 cents la douzaine; .40 cents les vingt-cinq; .70 cents les cinquante.

La navigation étant désormais fermée sur le grand fleuve, le prochain « Écho » vous sera porté par le service des chiens. Nous croyons pouvoir assurer, d'après le tableau des convois postaux de la Côte-Nord, que notre courrier n'en n'éprouvera aucun retard.

Tout prochainement aussi, il publiera une carte complète des postes Eudistiques dans l'Amérique du Nord et commencera l'insertion d'une série de notes historiques et légendaires sur les habitants des îles du Golfe et de la Côte Labradorienne, sur les usages anciens de ce pays et sur l'établissement et le développement de la Préfecture.

Ce sera le fruit de nos longues veillées, lorsque la neige nous aura bloqués sous une épaisseur de huit à dix pieds.

La Direction.
L’Écho du Labrador Canadien. Novembre 1903.


À Natashquan
25 décembre 1903

Aguanish; une nuit en barge...
Je quittai donc Natashquan le 2 octobre à onze heures du matin. Aguanish, le poste le plus proche confié à notre sollicitude est à douze milles de là. J'y débarquai à trois heures l’après-midi. Quinze jours auparavant le Père Pihan, parti (...) du soir, n'y put arriver que le lendemain matin à cinq heures et demie. Influence des vents...! Je laisse ce cher collaborateur le soin de vous parler de cette mission.

J'y restai, pour ma part, trop peu de temps pour en faire la connaissance, même sommaire. Je fus en effet obligé de rembarquer dès le dimanche matin à neuf heures pour notre seconde desserte, Piaster Bay (Baie-Johan-Beetz), à plus de trente milles d'Aguanish.

Le temps était beau, la mer était belle, mais hélas! Le vent n'avait pas assez de force pour nous faire accomplir ce long trajet avant la nuit. Aussi, à six heures le soir mes deux hommes jetèrent l'ancre auprès de l'île « Mascadin » et nous habitâmes dans la chambre de la « barge ». Oh! Cette chambre!... Qu'on n'y dort guère, avec un poêle chauffé à blanc après avoir fumé pendant deux heures! Enfin, on ne voyage pas tous les jours en barge, et il faut bien que la vie de missionnaire nous fasse acquérir quelques petits mérites.

À trois heures du matin nous quittons le hâvre et nous regagnons la pleine mer. Cette fois il y faisait du vent, peut-être un peu trop! Je fus secoué dans ma couchette comme dans un panier à salade. Aussi, bientôt je sentis l'affreux mal de mer s'emparer de ma personne. Je souffris d'autant plus que dans tout le cours du voyage, mon estomac fatigué avait dû se contenter de cinq ou six sardines à l'huile.

Piaster Bay...
Une surprise à bord du «
King Edward »...
Chasseur exemplaire... Pointe-aux-Esquimaux...
À huit heures et demie, je mis pied sur les rochers de Piaster Bay et tout fut fini! Je me reposai jusqu'à dix heures dans la chambre préparée à mon intention et à dix heures et demie je pus faire le mariage de Johnny Bourque et de Clorinthe Tanguay, le 05 octobre 1903. (Répertoire des mariages, Série Côte-Nord, volume 2 (1847-1988) par Réal Doyle, 1989) qui avait occasionné ma venue et célébrer la messe.

À Piaster Bay, il n'y a que huit familles, mais toutes parentes entre elles. C'est là qu'un jeune belge, monsieur(Johan) Beetz, agent de la grande maison de fourrures de Paris (Réveillon et Frères), est venu fixer sa résidence pour s'adonner tout entier aux plaisirs si variés de la pêche et de la chasse. Cet intrépide « nemrod » s'est fait construire près de la côte une petite villa très gentille où il veut bien, en compagnie de l'aimable madame Beetz, donner au missionnaire l'hospitalité la plus cordiale.

Je fus donc leur hôte pendant mon séjour à Piaster Bay. Quand j'y arrivai le lundi matin, monsieur et madame Beetz n'étaient pas encore de retour de leur voyage d'Europe qu'ils ont coutume de faire tous les deux ans. Ce ne fut que le mercredi matin qu'ils rentrèrent par le «
King Edward ». J'étais allé au devant d'eux sur une barge, sachant que le T. R. Père Blanche devait être aussi à bord du « Steamer ».

Quelle ne fut pas la surprise de Monseigneur le Préfet Apostolique en me voyant escalader le pont du bâtiment, botté comme un pêcheur et la figure embroussaillée d'une barbe noire comme le poil des ours labradoriens. Ils se tordaient de rire ainsi que le Père Pottier qui l'accompagnait depuis la Pointe-aux-Esquimaux (Havre-Saint-Pierre). Je restai causer avec eux pendant le déchargement des barges, puis retournai dans ma desserte.

J'y fis séjour jusqu'au samedi matin et profitai de ce temps pour y donner les exercices de la mission qui furent suivis très assidument. J'en fus fort édifié. Entre temps, j'allais à la pêche à la truite au pied d'une chute de cinquante mètres de hauteur, et à la chasse aux « chevaliers ». En fait de canard, je tuai au vol un « butor » qui s'en fut tombé dans les joncs où les hommes qui m'avaient conduit dans leur canot ne purent le prendre...

J'allais oublier de vous dire que pendant mon séjour à Piaster Bay, j'ai eu l'occasion de voir des renards noirs dont une seule peau se paie, vous le savez 700$ à 800$ (3,500 à 4,000 francs). Monsieur Beetz en élève sept magnifiques dans des cages immenses. Il possède également un ours noir qui a été pris au piège. J'ai vu monsieur Beetz rentrer de chasse, après trois heures d'absence, apportant quarante et une pièces; canards, moyiacs, gibiers noirs, outardes, etc. etc. Si je pouvais seulement en tuer le dixième...

Je terminai enfin mon odyssée par une visite de cinq jours à Pointe-aux-Esquimaux chez le Père Pottier. Vraiment, on y est bien reçu et je suis encore tout confus des attentions délicates que les deux résidents ont eues à mon égard.

À mon retour à Natashquan, le Père Pihan se disposait à reprendre le « service rapide » pour Aguanish pour un mariage. (Il s'agit du mariage de Edgard Gallant et de Marie Cormier, le 26 octobre 1903 - Répertoire des mariages, Série Côte-Nord, volume 2 (1847-1988) par Réal Doyle, 1989) On peut supposer que cette seconde navigation a été plus heureuse que la première. La rumeur publique n'en n'a rien dit encore...

Arthur Divet, missionnaire de Natashquan.
L'Écho du Labrador Canadien. 25 décembre 1903. Archives des Pères Eudistes. Société Historique de la Côte Nord

B. Landry

12.13.2006

L'Écho du Labrador...


Le premier feuillet d'information :
« L’Écho du Labrador »

Nous le savons déjà, les entreprises de presse de la Côte-Nord ont subi au fil des ans des transformations importantes. La Côte-Nord a d'ailleurs produit plusieurs journaux qui connurent une durée de vie plus ou moins longue. En effet, ils se sont métamorphosées; de facture familiale ou d'aventure presque individuelle, disparu graduellement ou incorporées à des groupes de sociétés de presse.

Aujourd'hui, Québecor détient pratiquement le monopole de la presse écrite dans tout l'est du Québec; que ce soit de la Gaspésie, de la rive sud ou de la rive nord du Saint-Laurent.

1903
Les Pères Eudistes sur la Côte-Nord

C'est à partir de 1900 qu'apparait l'information sur la Côte-Nord. Quand les Pères Eudistes ont pris possession du Vicariat en 1903 le service religieux était bien pratiqué dans tous les postes où résidait le missionnaire. Des chapelles avaient été construites ou commencées presque partout. Cependant, il restait beaucoup à faire, surtout dans les villages éloignés des chantiers, où le progrès ne peut aller qu'au ralenti, où il a fallu de nombreuses années pour réaliser des améliorations nécessaires, qu'en d'autres lieux on achève dans l'espace de quelques mois.

Pour ce rendre compte de toutes ces améliorations, il serait nécessaire de se rendre dans chaque localité, ainsi arriverait-on à rédiger des notes complètes ?... Les Pères ont travaillé, édifié, réparé, au jour le jour, suivant les besoins, regardant toujours en avant, sans plus... Malheureusement, ils n'ont gardé pour la postérité peu de détail relatif à leur travaux. Cependant, à la toute fin de l'année 1903, le Père eudiste, Joseph Laizé, tente de distribuer aux autres missionnaires, de Pentecôte au reste de l'Ungava, le premier feuillet d'information intitulé « L'Écho du Labrador Canadien ».

Il ne faut pas oublier qu'à cette époque l'initiative du Père eudiste pour la création de ce premier journal était surtout destinées aux autres missionnaires qui étaient établis tout le long de la côte. Ce qui leur permettait alors de briser l'isolement lesquels ils étaient régulièrement soumit... Mais la durée de vie de ce petit journal fut malheureusement trop courte… seulement de 1903 à 1905!

(...) À Pentecôte, le Père Laizé rédige « L'Écho du Labrador », notre journal où nous racontions nos prouesses, et nos aventures des premières heures. Pauvre « Écho... » Personnellement, j'ai souvent regretté, depuis, que sa publication n'ait pu être continuée, sans doute à cause de l'éloignement des missionnaires, de la difficulté des communications... Comme l'histoire de la côte y a perdu, malheureusement on ne trouve même plus guère d'exemplaire du vaillant et curieux petit journal.
Les Œuvres des Pères Eudistes.1903. Extraits. Source : Société Historique de la Côte-Nord.

À suivre...


B. Landry

11.28.2006

J'ai souvenance de...

Pourquoi ce nom ? Tout d'abord pour informer et s'informer sans prétention, ou tout simplement se rappeler et transmettre le témoignage ! Voilà ce que j’aimerais faire par le biais de cet outil qu’est l’internet !


Natashquan, en bref...

Les récits de l'abbé Ferland, nous ont heureusement bien conservé l'histoire de l'établissement d'une colonie acadienne sur les rives de la petite rivière Natashquan. Il y passa en 1857, deux ans seulement après l'arrivée des premiers colons Acadiens. Grâce à une conjoncture favorable, la population nouvellement établie, s'accrut rapidement. Après 1858, d'autres madelinots continuèrent à affluer. Quelques canadiens des environs de Berthier se joignirent également à eux; si bien que la population qui se composait en 1858 de quinze familles, comptait déjà 358 habitants en 1871. En 1881, lors du recensement, on constate que la prospérité continua à régner car la population s'était encore sensiblement accrue, passant à 480 personnes. Puisque cette augmentation ne peut pas être expliquée uniquement par l'accroissement naturel, on réalise alors qu'il faut conclure à la continuation des mouvements migratoires.

Cependant, après 1881, les mauvais rendements de la pêche et de la chasse provoquèrent un revirement de situation. Depuis quatre années consécutives, la chasse au loup-marin et la pêche à la morue étaient à peu près nulles; et l'hiver 1885-1886 fut terrible à passer. Plusieurs familles furent des mois sans avoir de pain à manger; une faible ration de hareng constituait le menu de chaque jour... nous dit l'abbé Huard. Durant ces années, les effectifs étaient déjà en baisse puisque en 1885 la population de Natashquan comprenait 412 personnes. Au printemps et durant l'été 1886, on fit une nouvelle tentative mais elle fut à nouveau soldée par un échec. Cette année là, un exode important diminua presque de moitié le nombre des habitants de Natashquan.

Les années qui suivirent furent marquées par le rétablissement d'une conjoncture économique favorable. Par la suite, l'accroissement de la population fut constant jusqu'en 1911. Le fait qu'il ait été plus rapide que les années qui suivirent immédiatement l'exode est probablement dû à ce que quelques uns de ceux qui avaient quitté Natashquan, n'ayant pu s'adapter à un nouveau mode de vie sur leurs terres de la Beauce, revinrent exploiter les ressources marines de la Côte-Nord.


B. Landry

10.08.2006

Éric Landry... de Natashquan

Lancement du spectacle Je marche dans mes pas...
À l'Anglicane de Lévis le mercredi 25 octobre.
Éric Landry travaille depuis deux mois avec L'Ensemble acoustique des Laurentides. Les arangements sont sous la direction musicale du guitariste de jazz David Gauthier. Ce musicien, récipiendaire du premier prix de la culture des Laurentides, collabore avec le violoniste de jazz Robin Boulianne, à la contrebasse Michel Vieu et à l'accordéon Jean-Francois Éthier. Ce quartet dégage une sonorité originale dans ce spectacle. Des oeuvres de chansons francaises, revisitées magistralement. Un angle nouveau, celui d'Éric Landry.
La magie de ce spectacle nous ammène à Natashquan évidemment. Comme dans d'autres villages, il y a des gens qui vivent à leur rythme, avec leur solidarité, leurs chansons et leurs musiques. Éric est né dans les premières oeuvres de Gilles Vigneault. Non seulement il est porteur du germe Macacain, mais il porte également une voix qui lui permet une formidable interprétation de la chanson francaise.
Ce soir, le battant de l'horloge recule les années. Les aiguilles montrent un avenir rempli d'espoir. L'enfant que nous sommes tous, quitte le nid et s'envole, accroché au grand-cerf-volant, un côté rouge amérindien, un côté blanc acadien.
Les contrastes de ce spectacle libèrent la perspective d'un monde meilleur.
Nos racines s'étendent aussi loin que nos pas.
Son premier album Larguez les amarres.
Revenons quelques années antérieures pour se rappeler que jeudi le 7 octobre 2004, à Québec, Éric Landry, originaire de Natashquan, prend le large avec les chansons de Gilles Vigneault et lance son premier album solo Larguez les amarres. D’une voix sensible et pleine d’aplomb, il interprète les œuvres du grand poète en y apportant une expression et des couleurs nouvelles.
Quel bonheur c’est pour moi d’entendre Éric Landry de Natashquan larguer les amarres à son tour ... dira Gilles Vigneault, qui était présent à cet événement. En fait, Vigneault est allé encourager son protégé en se rendant lui-même au bar Chez Belley, où Éric Landry lance son premier album.

Parmi les chansons enregistrées, plusieurs sont bien connues du public, dont Gros Pierre, Mettez votre parka et Les gens de mon pays. C'est Bruno Fecteau (directeur musical de Gilles Vigneault) qui a signé la réalisation de l'album. Une douzaine de musiciens ont collaboré à Larguez les amarres dont Richard Lavoie, Joscelyn Guillemette, Steeve Normandin, Serge Vallières et Sébastien Dubois.
Finaliste dans la catégorie interprète à Petite Vallée (Gaspésie) en 2002, Éric Landry a été invité par Michel Rivard et Bori à interpréter une chanson sur scène dans leurs spectacles respectifs à Natashquan Il participera également au spectacle de Paule-Andrée Cassidy, à Sept-Îles, où ils chanteront Les gens de mobn pays.
Enfin, Éric Landry fut parmi les artistes invités au spectacle de clôture intitulé Tous avec Vigneault, au bout du monde, aux 17e FrancoFolies de Montréal, le 6 août 2005.
B. Landry