12.29.2006

Les premietrs extraits de l'Écho...



« L’Écho du Labrador »


Dès leurs arrivées au Canada, les missionnaires qui sont désignés pour le Labrador embarquèrent sur le petit vapeur King Edward, le 27 octobre 1903, et se dirigèrent vers la Côte-Nord du Saint-Laurent, qui s'étend de Tadoussac à Blanc‑Sablon. De ce groupe, on retrouve parmi-eux les Pères Arthur Divet (1903-1904) et Joseph Pihan (1903-1905) qui sont nommés pour le poste de Natashquan et les dessertes suivantes :: Île à Michon, Aguanish et Baie-Johan-Beetz.

Quelques extraits de ce premier journal…
Tout d'abord, un « éditorial » de la rédaction et par la suite un texte du Père Arthur Divet, missionnaire de Natashquan.


Novembre 1903
Rivière Pentecôte
Pour publication à « l'Écho du Labrador »...

À nos chers abonnés

L'Écho est heureux de vous offrir dès aujourd'hui le « personnel » complet de la Province de l'Amérique du Nord. C'est un humble hommage de reconnaissance qu'il a tenu à vous présenter en retour de votre générosité et de votre bienveillance à son égard.

S'il en est, parmi les confrères qui vous entourent, qui désireraient avoir aussi ce petit personnel, ayez l'obligeance de leur dire de s'adresser à la Rivière Pentecôte où nous nous ferons un plaisir de le leur expédier moyennant .03 cents l'exemplaire; .25 cents la douzaine; .40 cents les vingt-cinq; .70 cents les cinquante.

La navigation étant désormais fermée sur le grand fleuve, le prochain « Écho » vous sera porté par le service des chiens. Nous croyons pouvoir assurer, d'après le tableau des convois postaux de la Côte-Nord, que notre courrier n'en n'éprouvera aucun retard.

Tout prochainement aussi, il publiera une carte complète des postes Eudistiques dans l'Amérique du Nord et commencera l'insertion d'une série de notes historiques et légendaires sur les habitants des îles du Golfe et de la Côte Labradorienne, sur les usages anciens de ce pays et sur l'établissement et le développement de la Préfecture.

Ce sera le fruit de nos longues veillées, lorsque la neige nous aura bloqués sous une épaisseur de huit à dix pieds.

La Direction.
L’Écho du Labrador Canadien. Novembre 1903.


À Natashquan
25 décembre 1903

Aguanish; une nuit en barge...
Je quittai donc Natashquan le 2 octobre à onze heures du matin. Aguanish, le poste le plus proche confié à notre sollicitude est à douze milles de là. J'y débarquai à trois heures l’après-midi. Quinze jours auparavant le Père Pihan, parti (...) du soir, n'y put arriver que le lendemain matin à cinq heures et demie. Influence des vents...! Je laisse ce cher collaborateur le soin de vous parler de cette mission.

J'y restai, pour ma part, trop peu de temps pour en faire la connaissance, même sommaire. Je fus en effet obligé de rembarquer dès le dimanche matin à neuf heures pour notre seconde desserte, Piaster Bay (Baie-Johan-Beetz), à plus de trente milles d'Aguanish.

Le temps était beau, la mer était belle, mais hélas! Le vent n'avait pas assez de force pour nous faire accomplir ce long trajet avant la nuit. Aussi, à six heures le soir mes deux hommes jetèrent l'ancre auprès de l'île « Mascadin » et nous habitâmes dans la chambre de la « barge ». Oh! Cette chambre!... Qu'on n'y dort guère, avec un poêle chauffé à blanc après avoir fumé pendant deux heures! Enfin, on ne voyage pas tous les jours en barge, et il faut bien que la vie de missionnaire nous fasse acquérir quelques petits mérites.

À trois heures du matin nous quittons le hâvre et nous regagnons la pleine mer. Cette fois il y faisait du vent, peut-être un peu trop! Je fus secoué dans ma couchette comme dans un panier à salade. Aussi, bientôt je sentis l'affreux mal de mer s'emparer de ma personne. Je souffris d'autant plus que dans tout le cours du voyage, mon estomac fatigué avait dû se contenter de cinq ou six sardines à l'huile.

Piaster Bay...
Une surprise à bord du «
King Edward »...
Chasseur exemplaire... Pointe-aux-Esquimaux...
À huit heures et demie, je mis pied sur les rochers de Piaster Bay et tout fut fini! Je me reposai jusqu'à dix heures dans la chambre préparée à mon intention et à dix heures et demie je pus faire le mariage de Johnny Bourque et de Clorinthe Tanguay, le 05 octobre 1903. (Répertoire des mariages, Série Côte-Nord, volume 2 (1847-1988) par Réal Doyle, 1989) qui avait occasionné ma venue et célébrer la messe.

À Piaster Bay, il n'y a que huit familles, mais toutes parentes entre elles. C'est là qu'un jeune belge, monsieur(Johan) Beetz, agent de la grande maison de fourrures de Paris (Réveillon et Frères), est venu fixer sa résidence pour s'adonner tout entier aux plaisirs si variés de la pêche et de la chasse. Cet intrépide « nemrod » s'est fait construire près de la côte une petite villa très gentille où il veut bien, en compagnie de l'aimable madame Beetz, donner au missionnaire l'hospitalité la plus cordiale.

Je fus donc leur hôte pendant mon séjour à Piaster Bay. Quand j'y arrivai le lundi matin, monsieur et madame Beetz n'étaient pas encore de retour de leur voyage d'Europe qu'ils ont coutume de faire tous les deux ans. Ce ne fut que le mercredi matin qu'ils rentrèrent par le «
King Edward ». J'étais allé au devant d'eux sur une barge, sachant que le T. R. Père Blanche devait être aussi à bord du « Steamer ».

Quelle ne fut pas la surprise de Monseigneur le Préfet Apostolique en me voyant escalader le pont du bâtiment, botté comme un pêcheur et la figure embroussaillée d'une barbe noire comme le poil des ours labradoriens. Ils se tordaient de rire ainsi que le Père Pottier qui l'accompagnait depuis la Pointe-aux-Esquimaux (Havre-Saint-Pierre). Je restai causer avec eux pendant le déchargement des barges, puis retournai dans ma desserte.

J'y fis séjour jusqu'au samedi matin et profitai de ce temps pour y donner les exercices de la mission qui furent suivis très assidument. J'en fus fort édifié. Entre temps, j'allais à la pêche à la truite au pied d'une chute de cinquante mètres de hauteur, et à la chasse aux « chevaliers ». En fait de canard, je tuai au vol un « butor » qui s'en fut tombé dans les joncs où les hommes qui m'avaient conduit dans leur canot ne purent le prendre...

J'allais oublier de vous dire que pendant mon séjour à Piaster Bay, j'ai eu l'occasion de voir des renards noirs dont une seule peau se paie, vous le savez 700$ à 800$ (3,500 à 4,000 francs). Monsieur Beetz en élève sept magnifiques dans des cages immenses. Il possède également un ours noir qui a été pris au piège. J'ai vu monsieur Beetz rentrer de chasse, après trois heures d'absence, apportant quarante et une pièces; canards, moyiacs, gibiers noirs, outardes, etc. etc. Si je pouvais seulement en tuer le dixième...

Je terminai enfin mon odyssée par une visite de cinq jours à Pointe-aux-Esquimaux chez le Père Pottier. Vraiment, on y est bien reçu et je suis encore tout confus des attentions délicates que les deux résidents ont eues à mon égard.

À mon retour à Natashquan, le Père Pihan se disposait à reprendre le « service rapide » pour Aguanish pour un mariage. (Il s'agit du mariage de Edgard Gallant et de Marie Cormier, le 26 octobre 1903 - Répertoire des mariages, Série Côte-Nord, volume 2 (1847-1988) par Réal Doyle, 1989) On peut supposer que cette seconde navigation a été plus heureuse que la première. La rumeur publique n'en n'a rien dit encore...

Arthur Divet, missionnaire de Natashquan.
L'Écho du Labrador Canadien. 25 décembre 1903. Archives des Pères Eudistes. Société Historique de la Côte Nord

B. Landry